La peur

Publié le 14 Décembre 2015

Auguste pose les yeux sur les mains de son ami. Il tremble. Il ne fume pas et ne boit pas de café, son corps tremble trop. Le matin après sa douche, il prend un petit médicament, pour avoir un peu moins peur toute la journée. Parfois le soir, il en prend un autre, pour vaincre la panique qui le réveille au milieu de la nuit. Quand il parle, son débit est saccadé, il bégaie un peu quand les mots sortent trop vite et il cherche longtemps la formule juste, semble hésiter et ne plus parvenir à articuler.

De temps en temps, il regarde Auguste dans les yeux, mais il se sent gêné. Il ne peut pas soutenir ce regard franc, il cligne des yeux deux ou trois fois. C’est pire encore quand il est en face d’une fille : il regarde à droite, à gauche, ses mains, sa montre, son téléphone, le fond de sa tasse de thé, la porte d’entrée quand quelqu’un entre dans le café. « Tu attends quelqu’un ? – Non, non, pas du tout. »

« Elle m’a dit que je transpirais la peur de tout. Qu’on pouvait pas vivre comme ça et que personne voulait vivre avec quelqu’un qui a peur.

- Qui t’a dit ça ?

- Marina.

- Ah oui. Souvent, elle dit la vérité. Je suppose qu’elle t’a aussi donné des conseils pour vaincre le problème. Pas trop son genre de laisser les gens comme ça.

- Ouais. Elle m’a dit d’accepter d’avoir peur. Je crois que j’ai pas tout compris mais elle a vraiment essayé.

- J’imagine, oui. »

L’ami d’Auguste est terrorisé mais il ne sait même pas de quoi il a peur. Un jour la panique l’a terrassé et depuis, il a peur d’avoir peur, sans cesse. Par moment, la peur s’éteint, heureusement. Mais dans les yeux d’une femme, il sent sa fragilité et c’est étrange, parce que ses mains sont fortes et son regard profond.

« Elle m’a dit : ”Tu es parfaitement imparfait”. Et moi, j’ai encore paniqué.

- Marina ?

- Mais non ! »

Il voudrait donner toute la tendresse qu’il a en lui et Auguste sait qu’une fille sera la plus heureuse du monde quand elle aura apprivoisé sa peur. Auguste ne comprend pas qu’aucune fille n’ose affronter ça.

« Tu as paniqué, d’accord. Mais tu crois que tu l’as perdue pour de bon ?

- J’en sais rien. J’espère pas. J’attends, on verra. Et puis sinon, tant pis.

- Tant pis pour elle !

- T’es con. »

Si un jour Auguste devait demander à quelqu’un de parler en son nom, s’il lui fallait un porte-parole, aucun doute qu’il le choisirait lui. Sa peur ne l’enferme pas, elle ne stoppe pas son regard sur le monde. Au contraire, dans cette angoisse de chaque instant, il ne rate pas un détail. Il a parlé à Auguste d’une main frôlée et de la fumée de cigarette. C’était comme s’il y était. Cet homme apeuré, tremblant, peut parler au nom d’Auguste. Il le fait.

 

Rédigé par Théo Auguste Marie

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