Sur le théâtre

Publié le 9 Avril 2010

Le théâtre est un art de frustration, c'est un art qui cherche, se cherche perpétuellement, mais qui n'apporte presque jamais de réponse. Le spectateur averti assiste complice aux recherches scéniques et, complaisant, fait semblant de se poser les bonnes questions. Le spectateur s'ennuie et l'intellectuel paraît. Pourtant parfois le spectacle est sincère et les corps et l'espace et le texte (oui il y a encore des textes parfois) se mêlent à merveille derrière la nécessité créatrice du metteur en scène.

La haine - ou du moins la peur - du moderne qui m'emplit peu à peu ne s'applique pas encore complètement au théâtre d'avant-garde, disons pas à tout le théâtre que l'on dit post-dramatique (ma haine se porte en revanche sur le terme post-dramatique), je crois fermement au rôle créateur, à la qualité d'artiste du metteur en scène et je suis formellement contre l'hégémonie du texte dans le spectacle théâtral, le spectacle est un mélange et qui écrit pour le théâtre le sait. Cet argument me semble suffisant. Ce qui tue le théâtre, c'est le modernisme à tout crin qui consiste à s'interroger perpétuellement sur sa forme et qui oublie le monde autour de lui (je ne pense pas au politique, le monde du théâtre est engagé, mais il ne voit pas que l'ennemi est aussi en lui-même). Mais l'erreur des anti-modernes c'est de ne pas voir dans cette énergie de questionnement un espace à investir, c'est de ne pas s'interroger sur les tares du théâtre, en préférant en lire les textes, en mépriser les créateurs. Les mises en scènes magnifiques d'aujourd'hui sont portées par des metteurs en scènes qui savent affronter un texte, le comprendre, le faire comprendre par l'espace et le corps. Ces spectacles-la ne sont pas forcément ceux qui consistent à suivre à la lettre les indications scéniques de l'auteur, où le metteur en scène s'efface. De fait, dans tout spectacle réussi le metteur en scène disparaît, sous son oeuvre, comme l'auteur disparaît sous son texte.

On a vu dernièrement à Sceaux une extraordinaire mise en scène des Estivants de Gorki par Éric Lacascade, dont la sincérité m'a ému jusqu'aux larmes, c'était un mélange de maîtrise scénique, de jeu à la fois plein de technique et d'émotion, d'une lecture juste et actuelle (mais pas actualisante) du texte (notamment grâce à une superbe traduction de André Markowicz), c'était à la fois sobre et ingénieux. On nous parlait de nous et on nous le faisait sentir bien plus intensément que dans n'importe quelle lecture silencieuse. Ces horribles estivants, c'était les hommes d'aujourd'hui et ça faisait froid dans le dos. Le texte était en vie et c'est pourquoi on oubliait le texte, mais pas ce qu'il avait à nous dire. Le théâtre avait agi.

Malgré ce constat que le théâtre peut encore faire preuve de beauté et d'intelligence, qu'il peut être actuel sans être "moderne", je m'en éloigne de plus en plus, et ce n'est pas sa forme qui m'en a fait partir mais bien les gens qui le pensent et la plupart de ceux qui le créent. Je veux parler du monde et des gens, je veux créer un personnage, même si ça leur paraît dépassé ; il y a peu, Auguste est né, mais Auguste n'est pas un personnage de roman, ni de nouvelle et ce n'est pas un personnage de théâtre. Auguste pourrait être l'un ou l'autre, Auguste est comme moi, il ne sait pas. Il faudrait que j'emmène Auguste au théâtre, je pourrais comprendre mieux ce qui me manque.

Rédigé par Théo Auguste Marie

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